leave me alone + originalshipping

Je tournais en rond, chez nous, dans cette petite maison du Bourg-Palette, cet endroit où j’avais fini avec Green. Avec cet homme du même âge que moi, que je côtoyais depuis ma plus tendre enfance et qui pouvait toujours autant m’agacer. A la différence qu’à présent j’arrivais à parler ! Enfin… Pas énormément… Ce n’était que des prémices et ça m’énervait même assez de bloquer en plein milieu d’un mot ou d’une phrase…

J’avais passé la journée à essayer de prononcer des mots, mon carnet non loin en cas de besoin dans le cas où je sortirais… Je savais que mon rival faisait des remarques par rapport au fait que je ne m’entraînais qu’à ça… A parler… A comprendre comment fonctionnaient mes cordes vocales… Du coup et bien… J’avais tenté de « bouger » un peu plus aujourd’hui.

Oui. Pour une fois que je l’écoutais réellement.

Sauf que c’était bien beau de refaire de l’exercice, mais… Je n’étais pas dans notre monde, je n’avais pas des distances incalculables à traverser, des combats à faire et tout le reste. J’étais juste un… Humain. Un être qui ne possédait pas de réelles capacités et ce même si j’étais entré chez les Chercheurs de Vérité… Même si je tombais de temps en temps sur le dos de Green par rapport à certains éléments.

Nous nous opposions, comme d’habitude… Et je ne pouvais pas expliquer pourquoi ça m’énervait. Pourquoi il me mettait toujours hors de moi. J’arrivais pas à comprendre… Et pire encore lorsque je me retrouvais à le scruter de loin, perdu… Je n’arrivais pas à savoir ce qu’il avait en tête.

Alors je me défoulais. Chez nous. Dans le salon. Je faisais tout ce que je pouvais, râlais intérieurement. Oh, je pouvais sortir, mais… Mais je ne voulais pas attirer l’attention, je voulais avoir la paix. Alors je restais ici. Dans cet endroit… Et c’était assez complexe… Car j’avais totalement arrêté durant un moment.

Bien sûr je faisais des pauses, ne serait-ce que pour aller à la toilette, manger ou finalement allumer la lampe lorsque la nuit était tombée. Une nuit où je m’étais laissé aller dans le canapé, le corps endoloris, fatigué… Parce que j’avais un peu trop forcé malgré tout.

« - Sér…ieux… pour…quoi…je…pense…à…cet…idiot… ? »

Un questionnement que je me posais chaque jour depuis quelque temps, qui me tiraillait même dès que je fermais les yeux. Avant que je ne m’endorme, que ce que j’avais effectué durant la journée ne m’assomme purement et simplement sur le canapé alors que la lumière était encore allumée. Epuisé. Jusqu’à ce que quelqu’un ne me mette une couverture sur le dos, ne s’éloigne alors que je bougeais, m’éveillais doucement.

Sa voix qui me parvenait, me disait que je pouvais repartir m’endormir, qu’il se préparait juste quelque chose à manger. Je me redressais, encore un peu dans les vapes, le regard se perdant sur la pièce, tentant de le repérer malgré tout.

« - Eté ? »

Je n’avais pas réussi à prononcer la phrase complète, ma gorge ayant refusé le début, ce « ça a » pourtant si simple… Pourtant si habituel pour tous ceux parlant depuis longtemps. Mon poing se serrait légèrement alors que je m’énervais sur moi-même… Que j’attrapais mon carnet dans lequel il y avait déjà tant d’éléments, de mots noircit à l’aide de ce qui me tombait sous la main. Je me relevais, un léger râle quittant mes lèvres quand je vis la pièce tourner… J’avais été trop rapide, n’avais pas réfléchit et… C’était désagréable.

« - Du… monde ? »

Je continuais de le chercher des yeux, le repérant finalement, voyant qu’il restait dans l’ombre. Pourquoi ? Pourquoi faisait-il ça ? Il y verrait tellement mieux avec de la lumière…

« - Pour… quoi… t’allumes…pas ? »

Je forçais, je le sentais parfaitement parce que ça me faisait mal. Mal dans la gorge, mal parce que j’étais incapable de dire tout ce que je voulais, incapable d’exprimer ce que je souhaitais… Et mon regard se voilait quelques instants. Qu’aurais-je voulu lui dire de toute façon ?

« - Green ? »

Un nouveau son, ma voix plus rauque qu’auparavant alors que je tentais de comprendre, que je m’approchais par curiosité. Avais-je mangé d’ailleurs ? Je ne m’en souvenais plus… J’avais l’habitude de sauter des repas du coup… Oui, j’avais avalé quelque chose durant la journée, mais cette nuit ? Non… Rien ne me revenait. Et j’avais soif… Terriblement soif… Ma gorge me semblait asséchée… Était-ce parce que j’essayais de parler ? Parce que je faisais quelque chose que je n’avais… Jamais fait dans notre monde ?

Je m’avançais dans sa direction afin d’ouvrir le frigo, attraper une boisson se trouvant à l’intérieur alors que la sensation d’aiguilles persistait dans ma gorge… Concentré sur ce que je faisais, je ne me tournais pas directement vers lui, buvant simplement le liquide transparent se trouvant dans la bouteille. Que ça pouvait faire du bien…

« - Tard… Il… est ? »

Bon sang… BON SANG ! J’en avais marre… Marre de ne pas savoir faire une putain de phrase complète ! Marre de devoir autant forcer ! Et mon poing se serrait à nouveau alors que je me tournais vers lui, redonnant une forme de main à celle-ci sur le champ, un sourire sur mon visage. Faire semblant que rien ne me passait par la tête, j’étais devenu doué au bout d’un moment. Neutre. De toute façon, il était rare que les gens se posent la question de ce que je pouvais réellement penser, de ce que je voulais réellement. Tout comme personne ne savait ce que je gardais sur le cœur, le fait que moi aussi je pouvais sombrer à certains moments. Non. Aux yeux de beaucoup j’étais le « Héros » des premières versions de Pokémon… Un héros qui ne l’avait pas demandé… Qui avait dû faire face à une organisation criminelle à dix ans…

Et qui avait terminé ici après s’être prit une attaque Vague Psy de plein fouet, qui aurait dû y passer au lieu de survivre. Instinctivement, à cette simple pensée, je passais une main sur le haut de mon torse, là où l’attaque m’avait touché. Je me souvenais encore de ce halo mauve, du regard enragé du Pokémon créé de toutes pièces… Et ensuite… Ensuite… Ma mâchoire se serrait. Je ne savais pas.

« - Va ? »

… Pourquoi le « ça » avait-il autant de mal ? Sérieusement… ça en devenait lassant… Je voulais pourtant le prononcer, mais je bloquais. Encore et encore… Je fixais le dos de mon rival, me demandant toujours pourquoi il restait ainsi… Était-ce toujours comme ça le soir ? Je dormais la majeure partie du temps… Alors je ne pouvais pas le savoir… Pas savoir ce qui était logique ou non… Et même durant nos voyages nous n’avions que peu été en contact pour les nuits… Alors… Je fixais seulement cet homme… Cet être qui… faisait que j’étais perdu. Et qui m’aidait pourtant… Même s’il me secouait parfois un peu trop violement.